Texte de Daniel Fargeas, 66600 Vingrau, Juin 08, tél. 04 68 29 40 89
ou daniel.fargeas@no-log.org
La fraude consiste à s’attribuer un bénéfice sans rien offrir en échange. La communauté s’appauvrit d’une consommation et ne s’enrichit pas d’une nouvelle production. Ceux qui s’attribuent des unités dans ces conditions se font donc entretenir par la communauté, comme des enfants mal éduqués ou des parasites.
La fraude ne lèse pas un individu en particulier mais seulement la communauté dans son ensemble. Pour être sensible , le phénomène doit se déployer massivement, sur un temps assez long et tromper la vigilance de la plupart des partenaires honnêtes. l est assez peu probable que ces conditions soit réunies dans le JEU avec son carnet de compte individuel si révélateur de l’état d’esprit de son porteur.
Il n’est pas simple de frauder avec de fausses écritures sur un faux carnet. Le fraudeur devra-t-il inscrire fréquemment de fausses petites écritures ou devra-t-il inscrire une grosse somme au risque d’attirer le regard? Surtout s’il sait que le carnet est un document public.
I En effet, l’expérience montre que la négligance et la désinvolture dans les inscriptions sur le carnet, sont plus à craindre que la fraude délibérée.
- Il y a pas de sécurité absolue dans une comptabilité, que le contrôle soit exercé par une comptabilité centrale classique avec registre et lignes de compte. Les “erreurs” sont toujours possibles. Surtout dans les associations naissantes où l’on est bien content d’accueillir le premier candidat qui se propose pour le poste. Dans l’histoire des réseaux SEL et LETS, j’ai même rencontré deux cas ou le comptable était devenu fou (voir note en bas de l’article)..
C’est surtout la peur, l’image du fraudeur que nous avons dans la tête . Cette peur nous fait plus de mal que les fraudeurs eux-mêmes. Cette peur freine notre élan et pénalise la communauté toute entière par des mesures de contrôle et de sécurité plus couteuses que la fraude elle-même..
“La fraude”. C’est même le premier argument que l’on présente à propos du carnet du JEU. J’ai toujours le souvenir du premier objecteur qui me dit vers 1995 : “Que feras-tu des faux carnets?” Je suis allé récemment chez lui en 2007. A l’entrée de sa propriété, on tombe sur le panneau portant l’inscription: “Attention, pièges”.
La fraude délibérée devrait être plus rare avec le JEU qui organise l’abondance, contrairement au système monétaire international qui organise la pénurie pour que la monnaie soit chère .
Un système qui curieusement emploi le même argument que les mafias qui nous proposent leur protection contre les fraudeurs ....
- Si une anomalie est détectée par un partenaire, celui-ci peut choisir d’éclaircir immédiatement la situation et poser des questions à la personne concernée. Si le doute subsiste ce partenaire est sans doute tenté d’éclaircir la question avec un tiers. Ainsi un groupe de personnes concernées par la bonne marche du système nait spontanément. Un groupe informel va vivre dans la concertation. Ce sera peut-être l’occasion de faire un bon repas ou de rencontrer de nouveaux amis.
- S’il y a véritablement fraude, je pense qu’ il suffit que la lumière soit portée sur les faits pour que les auteurs se retirent de la scène sur la pointe des pieds.
D’autres mesures semblent également possibles.
- Déclarer le carnet: “document public” que chacun peut consulter ou même photocopier.
- Porter sous les projecteurs sur un mode festif à l’occasion de marchés, bourses ou chantiers, les échanges intéressants, pittoresques ou pouvant figurer dans le “livre des records”. Les partenaires seraient alors invités à monter sur l’estrade pour développer devant tous les participants les péripéties, les difficultés et les joies de leur aventure...
- Des vérificateurs de carnet peuvent exercer des vérifications ponctuelles au moment des bourses et marchés et invitent inviter gentiment les négligants à remplir leurs carnets avec un peu moins de désinvolture.
- Les partenaires peuvent aussi s’inviter à plus de rigueur dans la tenue de leur comptes , au moment de l’inscription qui conclu l’échange .
- Les transferts de solde de l’ancien carnet sur le nouveau. peuvent être validés par un “parrain” ou “témoin”
- On peut faire signer, sur le carnet lui même, un engagement à n’utiliser simultanément qu’un seul livret et faire authentifier les livrets par un même “parrain”. Celui-ci pourrait conseiller, stimuler les nouveaux venus, les aider à rédiger ses offres, demandes, projets , rêves...
- Récupérer les carnets, une fois par an, lors de grands rassemblements et vérifier les écritures. L’inscription de la date de l’échange et du solde après transaction sur le livret de l’autre partenaire peut permettre de faire des comparaisons entre le partenaires
- Numéroter les pages du carnet pour éviter la substitution d’une page portant un débit important par une page vierge.
Le jeu (de la fraude) en vaut-il vraiment la chandelle? Le risque étant l’auto-exclusion du fait de se sentir honteux d’être surpris en train de parasiter un groupe alors que ce groupe est tout disposé à faire un effort de solidarité pour tous ceux qui sont en difficulté..
Le “Carnet du JEU” (que j’ai “lancé sur le marché” en 98) est un outil de liberté à plusieurs niveaux. Si la peur de l’autre est nécessaire à notre équilibre ou à notre identité, conservons cette peur, participons à un SEL bien carré où toutes les lignes de compte sont parfaitement traçables. Si nous avons envie d’explorer d’autres voies et de nous offrir des vacances (au propre comme au figuré), offrons nous un carnet (et même voyageons avec). Emportons la liste des partenaires du JEU que j’édite et qui comporte 2000 annonces (soit 180 pages env.) pour la France, en 2008). Je suis persuadé que ce carnet du JEU va dans le sens de l’évolution. Ce sont les individus qui créent l'argent.
En résumé:
La richesse et ses symboles monétaires appartiennent aux personnes et au groupe. L’échange est fondé sur notre faculté d’établir des accords. Mais pas seulement. Notre désir de nous rencontrer, nos rêves, notre amour sont des moteurs de la rencontre... A chaque désir, à chaque rêve , à chaque accord, les partenaires sont co-créateurs des richesses échangées. La prise de conscience du caractère créateur de nos désirs, de nos rêves, de nos accords, nous donne l’énergie d’affirmer notre souveraineté sur la création des unités de valeur qui correspondent à ces richesses. Nous revendiquons donc le droit d’échanger librement et inconditionnellement, comme un droit de l’homme, un droit de naissance, un droit lié à notre condition humaine. Il n’est pas nécessaire d’acheter un droit que nous possédons déjà par une adhésion ou toutes autres conditions (comme l’acquisition d’un gros tas d’or). Une instance comptable extérieure n’est plus nécessaire.
Former un groupe de personnes est aussi une richesse. Ces personnes par leurs différences , leurs complémentarités et leurs échanges, vont créer et partager cette richesse , et vont cristalliser leur identité par des signes culturels et monétaires.
Note: Comptable fou
Il était une fois, un comptable (le premier du SEL 66). A l’époque (en 1994), quand une feuille de compte personnelle était pleine, son propriétaire l’expédiait par la poste au comptable qui devait la retranscrire sur le livre de compte de l’association. Ce comptable recevait ces feuilles de compte à l’adresse de sa boite postale personnelle . Il avait beaucoup de peine à mettre de l’ordre dans ses papiers. Il n’arrivait pas à nous donner les comptes. Les feuilles voltigeaient, éparses, sur la plage arrière et les sièges de sa voiture... Les membres du C.A. (comité d'administration) consternés se sont concertés. Ils ont demandé au comptable de rendre les feuilles. Brimé dans ses ambitions de créateur de SEL, le héros de cette histoire a refusé pendant des mois de transmettre les documents, puis a déclaré, devant la préfecture, avec sa femme, une association portant le même nom que la nôtre, SEL 66.. La nôtre était “de fait”ou “non déclarée”. Puis il a essayé de recruter des adhérents en passant une annonce dans un journal local ("El Punt", si je me souviens bien). Un jour j’ai reçu, d’un correspondant anonyme , une enveloppe pleine d’une dizaine de réponses à cette annonce. J’ai rappelé ces dix personnes par téléphone. Il est apparu qu’elles avaient assimilé le système à un troc direct et aucune n’a été assez motivée pour payer les 20 F demandés alors pour inscrire son annonce dans le bulletin du réseau. Les feuilles de compte ont enfin a peu près toutes été récupérées grâce à notre ami Dan, un pilier du SEL qui s’était improvisé médiateur. Ça nous a bien occupé en C.A. (comité d'administration). pendant des mois et détourné des vraies questions. Au même moment nous avons reçu la visite de deux membres du LETS de Brighton. Ils ont éclaté de rire en entendant notre histoire : leur comptable exigeait pour rendre les comptes que tout son travail lui soit payé en livres Sterling ... Tous les pacifistes et non violents de Brighton se sont mobilisés pour faire entendre raison à cet homme, sans beaucoup de succès à l’époque où nous en parlions.
C’est peut-être depuis ce jour que je me méfie des comptabilités centrales.
Commentaire d’Odette Linke : “Aujourd'hui j'ai passé une heure au verger avec 8 bénéficiaires des restaus du cœur à qui j'ai proposé de venir gratis ramasser des prunes.Aucun n'a fait quelque chose qui aurait pu m'être utile, beaucoup de fruits ont été piétinés.J'ai fortement pensé à ce qui se passe quand un bout de métal a été tordu et qu'on essaye de lui redonner sa forme initiale. Avec les échanges commerciaux actuels nous avons perdu beaucoup de notre fraicheur et l'essentiel, le vital, sont noyés dans une sorte de brouillard. Rien d'étonnant que quelques uns ne soient plus capables de comprendre que "les bons comptes font les bons amis”. Je pense aussi qu'il est illusoire de penser qu'il existe un système d'écriture ou de sanction capable de mettre fin à la fraude, je crois bien plus à une régulation qui s'installerait grâce à des rapports humains moins anonymes et peut-être aussi par une diminution du désir d'avoir. Je crois que c'est là qu'il faudrait mettre l'accent dans nos petits groupes. En tout cas merci de ton travail. A bientôt, Odette Linke.” linkefrankodette@free.fr
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