jeudi 5 juin 2008
L'argent associatif, faites-le vous même en abondance
Texte de Daniel Fargeas, initialement présenté en juillet 1994
Résumé Avec une comptabilité, on garde une trace de l’échange, la réciprocité immédiate n’est plus nécessaire comme dans le troc.Il y a création d’une “monnaie comptable associative”. Nos accords chiffrés deviennent de la monnaie. La magie d’une comptabilité peut assurer la prospérité de n'importe quel groupe.
Le renouveau du troc est intéressant, car dans un troc ou les pôles de l'échange s'étalent dans le temps, nous voyons une monnaie pointer le nez. En effet quand la simultanéité de l’échange disparait, il y a un compte, un souvenir, une promesse en mémoire, une parole à tenir.
Vous pouvez m’offrir un panier de cerises cueillies en juin. En échange je vous donnerai une journée d’accueil en août. Vous pouvez me donner 15 journées de vendangeur, et je vous offre 5 mois d’occupation d’une maison dans le village (accord encore en usage dans le village de Vingrau des années 60 ). Si nous écrivons cette promesse de 15 journées de travail sur un petit bout de papier ou dans notre mémoire, je pourrais à mon tour donner ce petit bout de papier ou communiquer cet accord à une troisième personne à titre de paiement. Vous irez vendanger chez cette troisième personne. Notre accord est devenu une monnaie.
L’argent, dit “oui” et “combien”. La monnaie est un accord chiffré.
Nous comencons à créer de l’argent, des unités de valeur, sans nous en apercevoir, dès que nous passons un accord : l’un fait la vaisselle tandis que l’autre conduit les enfants à l’école... Il y a à peu près la même quantité d’enfants pour la même quantité d’assiettes. L’accord est quantifié d’une façon tacite. l’argent nait à chaque pas, à chaque geste que nous coordonnons avec l’autre, qu’il soit ma femme ou mon voisin. Cet accord, on l’appel Troc et pourtant c’est le début d’une comptabilité sans crayon, la trace de nos accords est conservée en mémoire, nous n’avons qu’une parole ! Les grands financiers chinois de Hong Kong brassent des milliards ainsi depuis toujours, les yeux dans les yeux. On peut se dire oui avec un signe de tête, un sourire, un soupir, une poignée de main ou en dormant ensemble dans un grand lit carré. Mais on commence à créer de l’argent quand nous disons oui avec nos décisions et nos actions coordonnées et que les richesses ainsi échangées commencent à être quantifiées. Les chiffres gardés en mémoire dans une tête, sur un papier monnaie, sur une rondelle de métal, ou sur une puce de carte magnétique, viennent concrétiser cet accord tacite ou conscient. Si nous pouvions nous dire "Oui" plus souvent dans nos échanges locaux nous serions moins dépendants des signes monétaires internationaux et des décisions ruineuses (pour nous, pas pour eux ) des financiers de New York, de Berlin ou de Tokio. En dehors du cercle amical ou familial une monnaie plus largement acceptée devient nécessaire et permet de concentrer, de disposer, de convertir, sur un point précis, des hommes, des machines, des marchandises, des services. La monnaie permet à une communauté de respirer, de prendre des décisions, de concrétiser des choix, de faire de grands travaux. Les gens ne se connaissent plus, ne parlent peut-être pas la même langue mais ils ont confiance en un signe commun, la monnaie. Aujourd’hui les hommes n’ont plus confiance entre eux mais ils gardent leur confiance pour des signes qui ont étés fabriqués par des étrangers, par une caste de financiers. Les hommes se font saigner jusqu’à la dernière goutte pour n’avoir pas su communiquer. Ils ont laissé s’introduire entre eux la méfiance. Je connais un excellent spécialiste de la communication, et très bon poète, qui a équipé sa villa d’un système sophistiqué de surveillance. Quand serons nous assez conscients de ces processus pour que personne ne puisse nous empêcher de prendre les décisions élémentaires qui pourraient améliorer notre vie? Laisserons nous encore longtemps étouffer notre action dans la peur, dans la palabre stérile ou dans la passive consommation des loisirs de masse? Personne ne peut nous empêcher de quantifier nos décisions afin d’inclure un nombre toujours plus grand d’acteurs, notre seul ennemi semble être notre manque de discernement ou de clarté ou nos fuites énergétiques. Désigner un bouc émissaire est peut-être agréable mais on va voir plus loin où ça nous mène. Prenons plutôt la responsabilité de notre situation.
Une comptabilité semble nécessaire comme toutes les comptabilités pour que les couts des produits soient répercutés tout au long du fleuve production-consommation. Cette quantification permet d’éclairer nos décisions, de les faire coller à la réalité de la production. En mettant des chiffres sur des produits ou des services nous pouvons dire à l’autre l’effort, le temps, la peine, l’amour peut-être, que nous y avons mis (et ce que nous avons consommé pendant ce temps). Puisque nous savons prendre des décisions et puisque nous savons compter, associons-nous et tenons nous-même les comptabilités correspondantes à nos échanges. A-t-on encore besoin de quelqu’un pour nous tenir le crayon. Dans quelle étrange passivité sommes nous tombés pour attendre que les financiers internationaux fassent le travail à notre place. Ils ne vont pas nous dire: “Vous pouvez le faire vous-même, gardez la comptabilité de vos accords, c’est de l’or...” Ne sommes nous pas un peu naïfs? Ces financiers et leurs amis se tuent au travail et d’infarctus pour gérer leurs affaires. Comment auraient-ils encore un peu de temps, de sensibilité, d’attention ou d’amour pour s’occuper des autres hommes et de la nature en plus! Les banquiers ont mis des siècles pour prendre le contrôle de la monnaie en une lente mondialisation des échanges . Les guerres nous le verrons plus loin n’en sont que les anecdotes.
Comment commencer ??
Peut-être pourrons nous commencer à créer des accords chiffrés pour jouer et nous exercer. Deux personnes suffisent. Nous pouvons commencer à l’intérieur d’un groupe d’amis ou du cercle familial. Nous jouons, n’est-ce pas, comme dans un jeu de rôle. Chacun tient le compte sur un bout de carton, de sa contribution à l’économie de la maison. Ou bien on peut essayer de faire circuler des promesses écrites sur des petits bouts de papier et voir ce que ça donne. Les comptes individuels sont relevés sur un registre ou sur un ordinateur en fin de journée ou de semaine pour représenter le mouvement global de nos échanges. Les chiffres gardent le souvenir de ces transactions. Nos échanges n’ont plus besoin d’être simultanés comme dans le troc. Nous venons ainsi de créer de la monnaie comptable à l’échelle familiale. Rien ne nous empèche dans un deuxième temps de créditer régulièrement et également le compte de chacun de 10, 100 ou 1000 unités pour mettre de l’huile dans le système, pour que la quantité de signes disponibles soit toujours en rapport avec l’accroissement de la richesse et des échanges au sein de la communauté, ou simplement pour voir ce que ça donne...
Voilà, tout est dit ou presque. Complétons par quelques réflexions théoriques ou pratiques, et la liste de documents et adresses.
Sans richesses, sans biens, sans production, l’argent n’a pas de valeur
Un ticket de bus ( droit de consommer du bus pendant une heure) n’a plus de valeur s’il n’y a plus de bus. Ce qui a de la valeur c’est le bus et le service qu’il peut offrir. Vous pouvez chercher d’autres exemples avec vos enfants: amusement garantit. Des tickets de bus, on peut en imprimer autant que le permet la capacité et la fréquence des bus. Alors pourquoi voit-on une région, un pays, le monde entier, s’arrêter par manque de signes, par manque d’argent, alors que la production déborde de partout? Pourquoi nos dirigeants ne créent-ils pas assez de signes, assez d’unités pour que toute cette production s’écoule. Sont-ils vraiment responsables du bien public? Créer de la monnaie comptable est encore plus simple que d’imprimer des tickets de bus. Les bus s’arrêtent-ils par manque de tickets?
Plusieurs monnaies et comptabilités, peuvent coexister. Pourquoi n’y a-t-il qu’une seule monnaie aujourd’hui: La monnaie officielle créée au compte-goutte? Qui est-ce que ça arrange quand la plupart des hommes souffrent du manque d’argent? Nous pouvons très bien imaginer une monnaie convertible au niveau planétaire telle que celle que nous utilisons aujourd’hui et utiliser au niveau local, une monnaie comptable associative pour les besoins de notre petit groupe familial ou régional. L’écu circule bien au niveau financier tandis que nous utilisons des francs ou des marks. Que nous soyons dix ou mille personnes, c’est le même défit, faire tourner entre nous des unités comptables.
Si l’argent est rare, c’est pas par hasard....
L’argent international actuel est équipé de toutes sortes de mécanismes de régulation. L’argent acquière une plus grande valeur grâce à sa rareté soigneusement entretenue. Ce qui est rare est cher. Le loyer de l’argent est soigneusement calculé dans les grandes places financières internationales de telle sorte que les profits des possesseurs d’argent soient optimisés. Trop d’argent; son taux d’intérêt tombe immédiatement puisque tout le monde en a. Les profits liés aux prêts et à la circulation de l’argent diminuent. Pas assez d’argent ; tous les échanges économiques mondiaux sont paralysés et l’argent perd de sa valeur puisque celle-ci vient d’une économie prospère (le ticket de bus n’a plus de valeur, s’il n’y a plus de bus). Il faut donc étouffer l’économie mondiale un tout petit peu, mais pas trop. De tant en temps il faut désserer l’étreinte pour permettre au monde de reprendre son souffle. Ainsi les spéculations peuvent reprendre de plus bel. Les flux monétaires internationaux correspondants à des échanges réels de biens et services, sont 20 à 30 fois inférieurs aux flux correspondants à de simples mouvements spéculatifs boursiers ( c’est dans le livre de géographie du baccalauréat). Les signes monétaires consacrés à fluidifier les échanges sont proportionnellement de moins en moins importants. Les intérêts retirent de la circulation plus d’argent qu’il n’en a été injecté au moment du prêt. L‘argent devient plus rare encore. Les impôts, les emprunts publics retirent aussi de l’argent de la circulation. Il y a d’autres exemples dans l’histoire d’hier et d’aujourd’hui de rackets célèbres associés à la rareté. On stock, on verrouille et on fait payer! L’impôt sur le sel, les taxes sur la circulation, les octrois...Là aussi vous pouvez trouver avec vos enfants d’autres exemples de rareté naturelle ou organisée. Voici un exemple de rareté naturelle. Quand le gel détruit la production de salades dans les jardins familiaux, les prix montent au marché et les maraichers qui savent faire des couches chaudes sont contents. En pleine production le prix des tomates tombe à zéro... Etc...
L’argent rare, est un outil de corruption
La rareté fait un argent cher et puissant. Toutes les énergies ou presque peuvent être achetées. La plus part des hommes recherchent les activités les plus lucratives. La plupart des femmes recherchent les hommes qui leur assurent prestige personnel et sécurité pour élever leurs enfants. Le prix de la sécurité même devient plus élevé. La compétition devient plus féroce. Le profit immédiat passe avant toute autre considération d’ordre social, humanitaire ou écologique. Cette pression permanente engendre des décisions erronées à tous les niveaux et suffit à expliquer la pagaille du monde actuel.
L’argent abondant permet de diriger la production
D’après C.H. Douglas les consommateurs munis d’un pouvoir d’achat, exerceraient un droit de vote sur la production. Un marché libre et fluide, avec assez d’argent en circulation, reflèterait le désir des consommateurs et la production suivrait fidèlement. Toutes les procédures telles que réajustements, reconversions, assainissement du marché, quotas, ne sont nécessaires que sur des marchés bloqués qui ont perdu leur souplesse par manque d’argent (parce que l’argent est plus profitable ailleurs). Voilà des économies de personnel en perspective dans certaines administrations.
Les richesses du monde appartiennent à tous
Depuis des siècles, les sociétés humaines, les civilisations, le progrès technique, les lois, permettent de dégager de la joie de vivre avec ou sans exploitation des richesses naturelles et de l’énergie de la planète. Ces hommes sont morts et nous sommes leurs héritiers, co-propriétaires de cette richesse collective immense. La part de la machine (fruit du progrès collectif) dans la production est de plus en plus grande. Nos revenus par notre participation personnelle, par le travail, diminuent de plus en plus inévitablement. Nos revenus de co-propriétaires, de capitaliste planétaire doivent donc augmenter par la distribution de dividendes. C’est ce qui se passe du reste, encore modestement sous forme d’allocations sociales de toutes sortes. Ainsi l’aide gouvernementale apportée à l’agriculture française en 1992 atteint 3500 F par mois et par personne. 3500 F par mois pour produire moins, pour arracher la vigne, pour mettre les terres en jachère... Alors pourquoi répéter que nous avons tous le droit au travailler. A l’ époque biblique, peut-être. Mais aujourd’hui avec toutes ces machines qui travaillent pour nous ( et en supprimant le gaspillage qui résulte de la compétition ) nous pourrions ne travailler que deux heures par jour (lire “Travailler deux heures par jour” de Adret, édité par Points-Seuil , Paris 1977.)
Le crédit social ou revenu d’existence... (Concept initié pour la première fois par D.H. Douglas vers 1920)
... est un crédit injecté régulièrement, et également sur le compte-crédit de chacun sous la forme de simples chiffres. Cela peut se faire d’une façon électronique et automatique. C’est un crédit inconditionnel accordé à chacun de sa naissance à sa mort. C’est son dividende de “capitaliste planétaire”, de cohéritier de la planète-terre. A production de plus en plus automatique, il nous faut un revenu, un pouvoir d'achat de plus en plus automatique. Feindre de demander du travail pour tous et restreindre la production par des cotas est complètement contradictoire mais on peut comprendre comment on en est venu là. Les gens qui sont parvenus au pouvoir, qui façonnent l’opinion, qui sont les locomotives et portent les valeurs de notre société, sont pris dans une telle course au profit, dans une telle boulimie, dans un tel élan, qu’ils sont sincèrement persuadés qu’il faut beaucoup travailler pour gagner de l’argent et une place au soleil. Ils y sont parvenus en chérissant ces valeurs, de père en fils. On peut comprendre que dans un élan de compassion à notre égard, ils aient envie de nous faire partager le secret de leur réussite. Ils se tuent au travail, il veulent que nous en fassions autant. Combattre et s’activer est leur jeu et leur raison d’être depuis 10.000 ans. Les machines ne sont apparues que depuis 100 ans. Les valeurs d’hier ne sont plus adaptées à la situation d’aujourd’hui. Nous sommes tous égaux dans le partage de notre héritage universel comme nous sommes égaux devant la Loi.
Les banquiers ont tendance à penser
que l’argent leur appartient (que feriez-vous à leur place? Avez-vous laissé tomber ces valeurs associées à la compétition et au profit? Forts de cette conviction, et de notre passivité , ls demandent des intérêts forts élevés pour leur soi-disant propriété. Ils prennent des décisions en fonction du seul profit immédiat du système financier qui les porte. Ils se trompent simplement d’échelle. Le système qu’ils devraient servir est la société toute entière pas seulement la corporation des comptables. Par les prêts accordés aux entreprises les plus capables de rembourser des intérêts élevés, les banquiers MONOPOLISENT et créent de toute pièce la totalité de l’argent du monde. Abus de pouvoir et de bien public à un niveau planétaire, issu de privilèges chèrement gagnés.
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